SuperYacht
De 500 à 2 000 litres de carburant par heure, du confort, du luxe, et du clinquant. Bienvenus dans l’univers des superyachts, sur lesquels des milliardaires se distraient aux quatre coins des mers du globe. Un marché en très forte croissance. Ces dernières années, les ventes et locations de ces bateaux d’ultra-luxe ont battu tous les records. Et ce, malgré les crises économiques ou la pandémie de la Covid-19, qui ont même renforcé le phénomène: « Grâce au développement des moyens de communication, les yachts sont aujourd’hui de véritables maisons flottantes dans lesquelles il est possible de travailler et de se ressourcer en toute tranquillité et en toute discrétion. Ils deviennent une alternative de plus en plus prisée aux villas de luxe en bord de mer ; avant, on avait 3 ou 4 résidences secondaires, maintenant on a un yacht. Le phénomène s’est accru depuis la crise sanitaire », constate Inigo Nicholson, un expert du secteur. Avec une course au gigantisme et au luxe : il faut désormais dépasser les 100 mètres de longueur, soit l’équivalent d’un terrain de rugby, pour épater la foule.
Alors qu’on comptait environ 1 000 superyachts (supérieurs à 30 mètres) en 1988, aujourd’hui, leur nombre a plus que quintuplé : ils sont près de 5 500 à longer nos côtes, principalement méditerranéennes, selon la Bible du secteur, le rapport 2023 « The state of yachting”. L’industrie pèse désormais plus de 25 milliards de dollars, soit quasiment deux fois plus que le chiffre d’affaires des croisières maritimes en Europe... Problème : ces navires sont aussi une catastrophe environnementale.
Il y a d’abord la pollution engendrée par les bateaux eux-mêmes, de l’extraction de matériaux de construction, dont le sable, à l’émission de CO2, etc. Ensuite, la consommation outrancière des usagers des yachts (électricité, croisière d’un weekend, arrivée en hélicoptères ou en jet, etc). Enfin, il y les dégâts occasionnés par les ancres sur la posidonie, herbe «poumon» de la Méditerranée. «On tire le fil ténu du superyachting et c’est toute la pelote du capitalisme fossile qui se dévide », conclut Grégory Salle, sociologue et auteur de « Superyachts : luxe, calme et écocide ».
C’est cette face cachée que je tente de raconter à travers cette enquête photographique, l’explosion du nombre de superyachts et de ce que ce phénomène dit de notre société : le creusement extrême des inégalités, avec de plus en plus de très pauvres d’un côté et de plus en plus de super-riches de l’autre, très peu nombreux, mais principaux émetteurs de CO2.
Cette enquête photographique a été réalisée avec le précieux soutien du Journalism Fund.